98. Prendre l’autoroute russe Ă vĂ©lo (Moscou / RUSSIE)
Quitter Moscou en Russie par l’autoroute et rentrer Ă Paris en un seul morceau. Telle est ma dernière mission, mon ultime combat. Contrairement Ă la Grande ArmĂ©e de NapolĂ©on, je rentre mais je rentre vainqueur. J’ai tout gagnĂ© et je suis nanti comme je ne l’ai jamais Ă©tĂ©. Mon cĹ“ur est riche Ă milliards, Ă trilliards peut ĂŞtre, je ne saurais dire et peu importe… les territoires que j’ai conquis sont plus Ă©tendus que l’empire d’Alexandre le Grand !
Quitter l’agglomĂ©ration moscovite
Sortir Ă vĂ©lo de l’agglomĂ©ration de Moscou est une Ă©preuve longue et dĂ©licate.
On suit l’autoroute pour Ă©viter les dangereuses banlieues sud et on flirte avec le pĂ©ril des bretelles d’entrĂ©e et de sortie, c’est la Russie. On avance tant qu’on peut, mais la ville n’en finit jamais. Quand bien mĂŞme les forĂŞts semblent avoir remplacĂ© durablement les dernières barres d’immeubles, de nouvelles barres font leur apparition un peu plus loin.

Sur la route, tout s’oppose Ă ce que j’ai connu en Asie Centrale : la route est très dense et les stations services ont succĂ©dĂ© aux animaux Ă©crasĂ©s au rythme d’une tous les cinq kilomètres ! Elles poussent mĂŞme au milieu des bois. Soit dit en passant elles n’ont pas trop le choix, car au sud de Moscou la forĂŞt est absolument omniprĂ©sente… Et ornĂ©e de panneaux “feux interdits”. DiscrĂ©tion indispensable aux prochains bivouacs.
En Russie, il y a des feux en plein milieu de l’autoroute
J’avance sur la bande d’arrêt d’urgence de cette autoroute qui se réduit à quatre voies. En Russie, l’autoroute est autorisée aux vélos… enfin disons plutôt qu’il n’y a pas de règles à ce sujet. C’est “open-bar” à vos risques et périls.
À ma droite, un aéroport. En face de moi, des centaines de véhicules à l’arrêt, je double tout ce petit monde et me retrouve face à trois grands feux rouges. Je m’arrête par réflexe et commence à réfléchir. Manifestement ces feux servent à laisser sortir des convois exceptionnels, car une route spéciale lie directement l’aéroport à l’autoroute.
Personne ne bouge et pourtant il ne se passe rien, le feu semble bien inutile. Aucun mouvement du cĂ´tĂ© de l’aĂ©roport et un silence de mort malgrĂ© la prĂ©sence de plusieurs centaines de voitures obĂ©issantes. MĂŞme les moteurs sont arrĂŞtĂ©s, je n’entends plus que ma respiration. Ne sachant absolument pas combien de temps peut durer cet arrĂŞt forcĂ©, je prends le parti de griller doucement les trois feux.
Seul à vélo sur une autoroute russe à quatre voies !
Ça passe comme dans du beurre, je suis libre !
La suite est plus qu’exaltante : j’ai pendant dix minutes une autoroute Ă quatre voies pour moi tout seul, quel bonheur ! Le bitume est mon terrain de jeu, je profite de cette mĂ©ga-piste-cyclable en la traversant de gauche Ă droite tout en surveillant du coin de l’œil le retour des voitures.
Sensation de liberté, de toute puissance même ! Quand une autoroute comme celle-ci nous appartient, c’est comme si le monde était à nous. En tant que cycliste on a l’impression d’être le roi du monde.
Un enfant qu’on lâcherait seul dans un magasin de jouets une heure avant l’ouverture des portes aurait la même sensation grisante. Et puis peu à peu les voitures font leur entrée dans le magasin de jouets, je ne suis plus seul. Ce fut court mais beau.

C’est bien la troisième fois que j’expĂ©rimente ça. Pour rappel, la première fois, c’Ă©tait en Turquie Ă l’occasion d’un barrage militaire dans la zone kurde, et la deuxième, c’Ă©tait sur une autoroute en construction en AzerbaĂŻdjan.
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