12. Vent d’est à vélo (AUTRICHE)

Je commence à apprendre dans cette aventure que quand les choses semblent trop faciles, il y a forcément un événement, un hasard, la nature, qui sera bien là pour me rappeler que ce voyage à vélo ne sera pas un plaisir. Ici, c’est le vent !

Un vent de face parfait

Il est vrai que ce n’étais pas le but principal, sinon je serais parti dans les Seychelles pour siroter des cocktails devant une mer turquoise. Mais le plaisir n’est pas forcément enrichissant ni source d’expérience. En bref, je connais les règles du jeu et je les accepte, voici l’une d’entre elles : aujourd’hui, le dieu Eole a jugé bon de me prendre par la main et de m’emmener tout droit en enfer, et je l’ai suivi sans broncher, car le vent ne se dompte pas, c’est lui qui prend le contrôle de notre monture et surtout de nos nerfs. Si le vent s’acharne à nous rendre fou, on se surprend à l’insulter dans toutes les langues à en perdre la voix ! Un vent d’est ? Exactement ma direction, quelle chance ! « JE RELÈVE LE CHALLENGE ! » lui disais-je en m’égosillant. Je déteste les défis de ce p… de c… de m…, nous allons l’appeler Jean-Guy, tiens. Il paraît que c’est la mode de donner des petits noms aux vents.  

Le vent ne se voit pas, mais je vous jure qu’il est fort… si si !

Un vent qui donne bonne mine

Jean-Guy est un vent d’est arrivant tout droit de Sibérie (donc très froid) qui a très sérieusement compliqué mes conditions de route depuis la France, sans relâche. Certains jours d’Europe Centrale ont même offert à Jean-Guy l’opportunité de s’exprimer par l’intermédiaire de rafales approchant les 100 km/h. Autant dire qu’additionner cela aux -10° d’usage, ça fouette bien les joues et ça donne bonne mine !

Contre le vent la technique de l’Autruche à vélo

J’ai pu échafauder une technique pour supporter plus facilement la douleur psychologique que Jean-Guy m’infligeait. Il faut d’abord pleurer pendant 15 minutes sans hésiter à l’injurier généreusement, en lui demandant quel est son problème, si c’est personnel, essayer de trouver du sens à tout cela. Le problème c’est qu’il n’y en a pas. On peut pleurer toute la journée, le vent ne changera pas de direction par pitié pour nos petits mollets. Il faut donc faire le deuil d’une route paisible, et une fois qu’on l’a accepté on n’a plus qu’à se mettre en mode automatique et se plonger dans sa tête. Ça fonctionne très bien, on prends tout ça avec philosophie, et la réalité, le vent et le froid ne sont plus que des sensations extérieures, des informations relayées par notre cerveau pour nous dire comment ça se passe dehors, notre météo. C’est simple finalement, il suffit de faire l’autruche, pédaler et attendre que ça passe.

Les effets du vent sur le vélo

J’ai une petite théorie arbitrairement élaborée en pleine souffrance au sujet de la proportion de la perte de puissance et de vitesse à cause d’un Jean-Guy de 40 km/h. Et bien voilà, j’ai pu constater que sans lui la vitesse moyenne sur du plat est d’environ 17 km/h, avec lui en face cette vitesse moyenne passe à 9 km/h. Ce qui nous fait déjà une perte de presque 50% en vitesse. Mais ce n’est pas tout ! Pour assurer cette vitesse moyenne de 9 km/h il faut aussi envoyer dans les pédales deux fois plus de puissance. Ce qui au final fait prendre deux fois plus de temps au parcours et multiplie dans le même temps la fatigue par deux. Il y a donc selon mes calculs environ 200% d’énergie supplémentaire dégagée par rapport à un vent neutre. Je vous laisse maintenant imaginer ce calcul avec le même vent dans la bonne direction… je rêve d’un tel compagnon depuis Paris.

Voici la question étudiée plus en détails sur cet article écrit par mes bons soins : https://cyclovoyageur.com/le-vent-a-velo/

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