33. Crever dans un village (Solhan / TURQUIE)
L’une des mésaventures les plus contradictoires est la crevaison… Mais pas n’importe laquelle, celle qui a l’heureux hasard de se passer au beau milieu d’une ville ou d’un village en milieu urbain. Elle est paradoxale car nos émotions sont partagées entre l’agacement de la crevaison et l’amusement de devenir un véritable spectacle de rue.
Il me vient à l’esprit un exemple précis dans une petite ville de montagne entre Bingöl et Mus. Je traverse la rue principale sur une côte assez raide, me faisant passer à faible vitesse devant les groupes de badauds ne manquant pas de m’interpeller dès que l’occasion se présente.
Je ne me laisse pas déconcentrer et j’avance.
Je sens alors cette familière sensation de perte de stabilité de début de crevaison. Les pneus me déportent aléatoirement très légèrement à droite et à gauche. Je sais ce qui m’attend, je continue tout de même. Ensuite, fatalement, la jante commence à cogner directement le bitume. Je n’attends pas plus longtemps, je m’arrête sur le trottoir et je débute ma réparation.
Des enfants s’approchent timidement, puis prennent confiance et m’entourent littéralement en tentant de pratiquer les quelques mots de leur maigre vocabulaire d’anglais. Ils restent là, à observer à la loupe mes moindres gestes et touchent mon vélo comme un animal étrange. Ils sont cinq ou six, et même si j’ai appris à avoir une confiance aveugle dans ces peuples, je ne me sens pas complètement à l’abri d’une main baladeuse qui ferait disparaître le compteur ou une sacoche par magie.
Cette mésaventure m’a toutefois amusé, et m’a permis de trouver plus de proximité avec les villageois. J’ai remarqué que dans ce pays, les gens aiment bien me regarder faire mes trucs (ranger mes affaires, plier ma tente, manger, réparer mon vélo…). Avec l’habitude, le fait d’être observé par les populations locales est comme un jeu dont on prend vite goût et dont je vivrai l’apothéose absolue sur un marché tadjik.
Une crevaison en Turquie, ça se passe comme ça.
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