123. Dernière étape : Compiègne / Paris
Récit de cette dernière journée de voyage. Une ultime étape entre Compiègne et Paris qui vient clôturer 8 mois de voyages loin de mes proches. Retour sur une étape inoubliable.
S’élancer sur cette dernière journée de route
Nous sommes le 15 septembre 2018, il est 8:06 du matin.
Je viens de passer deux nuits chez ma cousine qui réside à Compiègne avec son mari et ses trois enfants. J’enfourche mon vélo et je m’apprête à entamer la toute dernière journée de cette aventure. Je regarde Laurence et son aîné me faire leurs adieux derrière la barrière. Elle exhibe un sourire un peu triste.
Moi aussi je suis un peu mélancolique, on s’attache vite aux enfants des autres ! Mais après quelques mètres mon regard change de direction et se tourne vers Paris, le Champ de Mars (ma ligne d’arrivée symbolique), mes amis… La nostalgie se transforme en joie et en énergie.
C’est la dernière journée de route, celle où vont se marier harmonieusement toutes les pensées, l’ivresse des 8 mois écoulés et les projets et espoirs de la vie qui m’attend. Quelles leçons tirer de ce voyage ? Il est évidemment trop tôt pour y penser, et je suis encore sur la route après tout, toujours le nez dans le guidon… Il reste 90 kilomètres à parcourir et toute la banlieue nord à traverser, ma dernière aventure, mon ultime errance.
Rencontres à la sortie de Compiègne
Alors que je quitte à peine Compiègne direction Paris, je tombe sur un groupe de 10 cyclistes conduisant tous un bon vélo de course sans le moindre bagage. Ils parlent en anglais. L’un d’eux vient me parler, nous échangeons nos histoires et j’apprends qu’ils roulent aussi jusqu’à Paris au bout d’un trajet entamé à Londres il y a 4 jours au profit d’une association caritative.
Ce sont donc des anglais. Le groupe entier est d’une bonne quarantaine de coureurs et une sorte de voiture balais transporte leurs affaires, la nourriture et le matériel sanitaire et médical. Ils prennent le même itinéraire que moi, je vais avoir des compagnons de route apparemment ! Escorté pour mes derniers kilomètres, tel un vainqueur du Vendée Globe à son arrivée aux Sables d’Olonnes.
Déjà une star outre-Manche ?
Je roule depuis 40 kilomètres quand un autre groupe de 5 anglais me dépasse en me saluant, puis un autre cycliste, plus équipé (caméra au casque), l’air plus sportif, m’aborde et commence à rouler à mes côtés en me demandant si je suis ce fameux cycliste qui roule depuis 7 mois autour du monde. Moi, étonné mais flatté, je dis oui. C’est alors qu’il me serre la main en me disant que c’est un honneur, que lui-même n’a jamais fait une chose pareille et que c’est très inspirant pour lui de croiser des voyageurs comme moi. Encore plus flatté, je le remercie, et il retourne vers son groupe.
Pour mieux contextualiser les choses, je ne suis pas devenu par miracle une star chez nos amis outre-manche, il s’agit simplement de l’œuvre (selon mon interprétation) du premier cycliste qui est venu me parler (il avait l’air d’être un organisateur). Il a ébruité ma présence auprès des autres cyclistes lors de l’une de leurs nombreuses pauses groupées et je suis devenu leur nouvelle idole. Parfois certains me donnent comme offrande quelques confiseries ou autre pâte énergétique.
Traverser les banlieues nord
Détail intéressant, le groupe n’était pas loin lorsque l’itinéraire s’est aventuré dans certaines banlieues dites « chaudes »; c’était l’occasion de vérifier par soi-même la température.
Je roule donc au milieu de cités peu engageantes quand je tombe sur deux cyclistes anglais, pied à terre, en train de soigner l’un d’eux qui s’était écorché le coude et le genou en faisant une petite chute. Petit problème, il n’a pas choisi le meilleur endroit pour tomber, car nous sommes en face d’une belle barre d’immeubles accompagnée d’un petit groupe de jeunes qui commencent à regarder dans notre direction avec un intérêt non dissimulé. « Pas tibulaires, mais presque ! »
Les anglais, naïvement, restent sur place sans se soucier des alentours, leur vélo de course beaucoup trop onéreux posé négligemment sur un poteau. Je me sens donc obligé de leur préciser discrètement : « That would be better if you don’t stay here too long… This place is not the best ». Ils comprennent, me remercient de leur avoir parlé en anglais, mais restent pour se soigner. Je monte la garde deux minutes avec eux, me sentant un peu responsable et surement plus à même qu’eux de régler un problème diplomatique avec les populations locales.
Finalement, nous partons sans ennui. Rien ne s’est passé, mais je préférais prévenir que guérir. Avec le recul, ce que j’ai pressenti n’était peut-être tout simplement que ce qu’on appelle “le sentiment d’insécurité”, bien éloigné de la véritable insécurité.
A l’approche de Paris
Quand on observe le ciel à 60 ou 70 kilomètres de Paris, il y a une chose qui marque le regard et finalement donne la direction de Paris, c’est le voile de pollution qui stagne au-dessus de la capitale. Comme un léger nuage marron tout fin qui trahit la situation de l’état de l’air que l’on respire toute la journée dans la capitale. Je ne me laisse tout de même pas intimider et je continue à avancer.
A une trentaine de kilomètres, je commence déjà à distinguer au loin Montmartre et la Tour Eiffel. J’avance de villes en villes, je traverse Villiers le Bel, Sarcelles, Stains, Saint Denis, Aubervilliers… Et finalement j’entre dans Paris.
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J’avais tant imaginé ce moment, tant fantasmé l’émotion que je ressentirais en entrant dans la capitale, en retrouvant les rues, les odeurs, les gens, les bruits de la ville… Mes sens sont pourtant grands ouverts, je suis à l’affût de tout ce qui m’entoure, à la recherche de cet émoi unique, mais il ne vient pas. Comme si j’étais simplement revenu à la maison après une petite semaine de vacances. Tout est à sa place, je suis rentré, la boucle est bouclée et le livre est fermé, voilà.
Le suis parti et je suis revenu, c’est tout.
Le voyage, pourtant encore officiellement en cours jusqu’à mon arrivée sur le Champ de Mars commence déjà à faire partie du passé, et moi je viens de me reconnecter avec le présent, avec la vie réelle. Comme si ces longs mois à l’aventure, à l’étranger n’étaient plus qu’un souvenir abstrait… Étrange sensation, pourtant mon voyage n’est pas encore fini.
>>> ETAPE SUIVANTE : 124. Arrivée à Paris / Fin du voyage
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