48. Trouver un bus de Kashan à Ispahan (Kashan / IRAN)

L’une des rencontres qui m’aura laissé le plus beau souvenir. Cet autre cyclovoyageur m’accompagnera pour une semaine. Fidèle compagnon de fortune et d’infortune de cette furtive visite des grandes destinations touristiques iraniennes. Pour l’instant, il me faut un bus entre Kashan et Ispahan en Iran.

tourisme kashan

Prendre le bus à Kashan

Voici comment nous nous sommes rencontrés :

Kashan, deuxième jour. Je viens d’y passer deux jours avec Cécile et Percy, mes amis cyclovoyageurs suisses, et je m’apprête à prendre de mon coté un bus pour Ispahan, ma prochaine étape. Nos routes se séparent. Je me suis résigné, je vais faire ces visites seul, sans vélo et sans amis.

Je rejoins la gare routière et me heurte à une première surprise qui n’aurait pas dû en être une :  tous les bus de Kashan à Ispahan sont pleins, toujours à cause de cette fameuse grande fête musulmane. Le problème se répète. C’est comme si j’avais eu l’idée brillante de prendre le train entre deux grandes villes françaises la veille du week-end de Pâques sans faire de réservation.

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Se battre pour monter dans un bus pour Ispahan

C’est la cohue. Une demi-douzaine de jeunes femmes en hijab noir enfermées derrière un bureau sont assaillies de tous les côtés par une trentaine de personnes désespérément en quête d’un siège. Tout ce que pouvaient nous offrir ces dévouées hôtesses, c’était de noter notre nom sur un “registre” qui en réalité était un simple papier sur lequel des dizaines d’autres noms cherchaient à se frayer une place sans trop savoir pourquoi ils sont là. Tous les bus étaient clairement saturés mais la compagnie était en train de préparer des “extra bus” pour répondre à cette demande inhabituelle. Il fallait attendre… des heures sans doute, et espérer faire partie des heureux élus, sans aucune garantie possible. Que faire ? Je sors de ce hall infernal, et, avec la force du désespoir, cherche s’il n’y aurait pas un autre lieu de vente dans la gare routière.

Un autre cyclotouriste solitaire !

Je reviens bredouille après cinq minutes, et je découvre en retournant devant le guichet que je ne suis pas le seul occidental dans cette situation inconfortable. Un voyageur à vélo au type européen se bat au comptoir pour les mêmes raisons que moi.

Alors qu’il est l’objet de toutes les attentions de la gare et qu’il fait de son mieux pour répondre au nombreuses questions des curieux tout en rangeant les sacoches de son vélo, je me dirige vers lui et lui pose cette question très originale : “where are you from ?”. Il me regarde, me sourit et je vois dans son regard le doute, l’hésitation. Un regard qui disait “qui est cet homme ? Il a un bon accent pour un Iranien, il n’a d’ailleurs pas l’air si iranien, d’où vient-il ? Veut-il m’aider ?”. Sa réponse : “Switzerland”. Dans ma tête c’est immédiatement l’amusement, encore un Suisse, le quatrième de ma journée ! Alors je tente immédiatement de continuer cette conversation en français, même les Suisses allemands savent s’exprimer en français : “Tu parles français ?”.

Le feeling passe tout de suite

Quand on voyage on va à l’essentiel. La plupart du temps, il ne s’agit pas seulement de créer des liens et tenir des conversations de salons, mais avant tout de s’entraider et optimiser chaque rencontre. Il me répond immédiatement avec un grand sourire : “Oui, tu es français ?” avec un léger accent qui m’a donné l’illusion pendant les premières minutes qu’il pouvait être germanophone.

Mais il était tellement harassé de toutes parts par ces hommes ravis d’avoir trouvé une occupation digne de nourrir leur curiosité (c’est l’effet voyageur à vélo) qu’il devenait difficile de donner plus de vie à notre embryon de conversation. J’attends assis sur un banc qu’il réponde à toutes les sollicitations. Après quelques minutes, il vient se poser en face de moi, je me doutais bien qu’il ne comptait pas non plus en rester là. On continue donc la conversation, on sympathise, le courant passe… très bien même. Je découvre qu’il s’appelle Mathieu, qu’il est francophone, de Montreux, qu’il voyage lui aussi en solitaire, qu’il a traversé une partie de l’Europe et la Turquie pour en arriver là. Pas le même itinéraire, mais des expériences similaires et ce même optimisme à tout épreuve prêt à nous porter vers l’aventure et les rencontres humaines la plus riches de notre existence. Cerise sur le gâteau, après Kashan il vise lui aussi Ispahan pour la soirée.

Le début d’une belle amitié

Evidemment, nous décidons immédiatement de mutualiser nos efforts pour la suite de l’aventure, on est plus forts à deux ! C’est alors qu’un iranien qui nous observait depuis un moment et ayant pris connaissance de notre problème de bus a décidé de s’investir personnellement dans une honorable mission : nous faire monter dans un bus aujourd’hui pour Ispahan. On se méfie un peu au début, l’instinct et l’expérience humaine nous apprenant que quand c’est trop beau ou trop facile, il y a un loup quelque part. Aucun loup à l’horizon, cet homme était juste une bonne personne. Il discute pour nous au guichet, on ne comprends pas et… mission accomplie !

Nous avons dans nos mains un billet pour un « extra bus » à 16:40. On échange nos contacts avec ce brave type, et on monte dans notre bus après avoir posé son vélo dans la soute.

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