25. Quand on rencontre son ange gardien (Les montagnes / TURQUIE)
Quelle journée ! Quel vent ! Quelles montagnes ! Et quelle solitude ! D’abord je dois reconnaitre que je suis parti sur la route ce matin un peu négligemment sans trop me soucier de la destination du soir. Parfois on se dit juste “on avance et on verra bien“. Je savais que j’allais devoir affronter de nouveaux records d’altitude, mais j’étais très loin d’imaginer les difficultés que j’allais rencontrer. Voici la liste.
Un vent terrible
J’ai eu tout au long de la journée des côtes et des descentes accompagnées en permanence d’un vent latéral extrêmement désagréable et usant à la longue. Sans exagération, le vent était facilement à 100 km/h et je le soupçonne d’avoir tenté des rafales à 120 km/h en me voyant garder mon calme. C’est finalement lui qui a gagné.
Un peu trop seul
Autre difficulté, l’altitude. J’ai été à plusieurs points proche des 2000 mètres. Le problème à cette altitude, c’est tout d’abord qu’il fait plus froid, l’autre problème bien plus conséquent, c’est l’isolation qu’elle engendre. On ne croise pas une ville, parfois un village en ruine, aucune station service ni restaurant de route. J’avais pris la fâcheuse habitude de me reposer sur les stations services car c’est une zone sûre, il y a de l’eau, de la nourriture, et des gens à qui parler. Dans les précédentes régions, les stations et restaurants de route pullulaient. J’avais le luxe de pouvoir me dire : « Ah non celle là ne me plaît pas, je vais m’arrêter à la prochaine ». Aujourd’hui j’étais à mille lieues de pouvoir me poser ce genre de question. Je crois que je n’ai rien vu de vivant durant plus de 70 kilomètres.
Quand boire devient une priorité
L’autre problème de taille, c’était l’eau. Au bout de quelques dizaines de kilomètres je me suis retrouvé au milieu des montagnes, sans connexion internet pour vérifier la route et l’anticiper, sans savoir quelle surprise se cache derrière la prochaine côte ou le prochain virage, et ma réserve d’eau littéralement vide. Bref, beaucoup de doutes, de questions, et de plus en plus d’inquiétudes. J’ai hésité à tenter l’auto-stop pour me déposer à la prochaine station mais je voulais éviter cette solution, qui d’ailleurs avait peu de chances de marcher, les véhicules étant très rares. Il valait mieux ne pas perdre plus de temps, avancer et faire confiance en la providence. A noter qu’évidemment il était impensable de camper sans avoir d’eau. Je devais donc soit trouver une station d’essence, soit trouver de l’eau… au plus vite ! Je roule avec l’espoir comme seul carburant et je commence à m’en remettre à Dieu. Je m’approche des cimes et voit apparaître des petits amas de neiges sur certains versants. Je ne me laisse pas déconcentrer et je continue à rouler tant bien que mal en scrutant comme toujours le bord de la route pour éviter les cailloux et autres pièges C’est alors que je vois sur le bord de la route deux petites bouteilles d’eau pleines disposées côte à côte. Evidemment, je m’arrête sans trop y croire, j’ouvre l’une des bouteilles. Elles sont neuves ! Je bois la première bouteille d’une traite en me demandant si mon ange gardien n’y est pas pour quelque chose… sisi, j’en suis sur, je viens de rencontrer mon ange gardien, car ce n’est pas fini ! Je roule encore 5 kilomètres et je vois une sorte de fontaine laissant s’écouler un léger filet d’eau. En temps normal je me serais contenté de remplir ma gourde sans m’inquiéter de la potabilité de l’eau, mais je remarque la présence d’un poids lourd à quelques dizaines de mètres de la source. Je m’approche donc du chauffeur et lui demande, à l’aide d’un langage gestuel finement élaboré par deux semaines de Turquie, si l’eau est potable. Il me répond sans hésitation que non. Heureusement qu’il est là car je l’aurais bue sans hésitation et j’aurais certainement passé une bien mauvaise nuit ! C’est alors que cet homme providentiel, en voyant la détresse sur mon visage pendant que je marche pour regagner mon vélo, m’interpelle de loin, met son doigt en l’air, sort de son camion une grande bouteille d’eau et me l’offre. Magique. J’en profite ensuite pour lui demander combien de kilomètres il reste pour atteindre la prochaine station d’essence, synonyme de repos et de sécurité. Il m’annonce 25 kilomètres. Ma décision est donc presque prise de m’arrêter ici pour la nuit, mais il me manque un dernier argument choc pour me convaincre complètement, le voici à point nommé : ma roue arrière est à plat. Tous les éléments sont maintenant réunis pour que je plante ma tente ici.
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