Après un déluge et un vent violent toute la nuit, la pluie s’arrête au petit matin… Pas le vent. Un vent parfaitement orienté pour être bien en face de mon petit vélo qu’elle que soit la portion de route que je vais emprunter dans mon itinéraire jusqu’à Bakou.
Je réfléchis beaucoup dans la matinée, encore posté dans ce petit restaurant et je décide de ne pas m’élancer immédiatement sur la route et d’essayer de me trouver un camion qui va à Bakou.
J’ai un peu honte, mais la perspective de lutter contre les éléments pour faire du 10 km/h de moyenne en pleurant pendant 8 h ne m’enchante pas particulièrement.
Les gérants du restaurant de route auprès duquel j’ai posé ma tente m’encouragent dans ce choix, expliquant qu’à l’heure du déjeuner il y a beaucoup de routiers qui s’arrêtent pour le repas et que j’y trouverais forcément un véhicule. J’ai fait l’erreur de leur faire confiance.
J’ai attendu dans un stress infini que des camions veuillent bien s’arrêter jusqu’à 13h30 ou 14h. Chaque minute de plus qui passait était une angoisse de plus, une frustration supplémentaire. On se dit que l’on attend franchement pour rien, qu’on aurait mieux fait de partir tôt. On se voit déjà rester la journée à attendre, peut être même passer la nuit ici.
Non, je ne peux pas m’y résoudre ! Tant pis, j’ai perdu toute la matinée mais si j’attends plus je ne partirai jamais. Et c’est bien plus supportable de souffrir en étant actif et maître de son destin que de souffrir passivement en s’abandonnant à la providence.
Je pars donc sur ce chemin de l’impossible, et croise au bout de 500 mètres un autre restaurant plus gros jouxté d’un camion qui me tend les bras. Un havre d’espoir jalonne ma route.
Je dois tenter le coup, je demande au patron de m’aider à trouver un véhicule, il accepte mais me propose de m’asseoir à sa table en attendant. Il m’offre à manger et me donne de la Vodka pour accompagner tout ça. C’est adorable mais dans cet instant, le verre de vodka est bien loin d’être ma première préoccupation ! J’attends ici 30 minutes, 30 minutes perdues.
Comme je le craignais, le patron était juste content d’avoir un visiteur un peu inhabituel et comme le font souvent les gens de ces pays, il cherchait à me garder tant que possible et apprécier ma présence. Il est vrai qu’en général, ce genre de comportement me touche et m’inspire des témoignages émus baignés de nostalgie larmoyante, mais là non, vraiment pas ! Le temps passe, et libère le vent et le stress dans une tragique chevauchée qui me plonge plus que jamais dans le doute. Je repars sur la route à nouveau bredouille et j’affronte ce vent infernal.
Cette route sera l’un des pires moments que je vais subir depuis cet hiver purificateur de mes premières semaines en Europe.
Le vent souffle de toutes ses forces parfaitement dans mon axe à tel point que mon vélo a du mal à garder des trajectoires droites. Je suis très régulièrement déporté à gauche ou à droite. La route étant d’une qualité lamentable, et les camions me dépassant sans prendre la peine de faire un écart pour m’éviter, la solution la plus efficace pour eux est de claironner très fort cinq secondes avant un éventuel impact.
À chaque avertissement sonore, je me décale par réflexe sur le bord de la route, piétinant de mes pauvres pneus les cailloux, la boue et la terre afin d’éviter ce monstre arrivant sur moi à pleine vitesse. Ajoutez à cela les passants qui me parlent, me font des grands signes incompréhensibles, ou me demandent de m’arrêter pour prendre des photos sans se soucier de la souffrance et l’épuisement dont mes yeux doivent être injectés, cette route est un vrai chemin de croix. Et j’ai porté ma croix longtemps.
Mon état psychologique oscille en permanence entre la frustration du temps perdu, la tension ultime due aux conditions de route et l’espoir de trouver tout de même une bonne âme pour m’emmener à bon port et m’éviter une journée entière de martyr.
L’espérance renaît quand j’aperçois une station-service, meilleur terrain possible pour trouver un véhicule, en théorie… mais après 25 minutes d’attente stérile je retourne en enfer, conscient d’avoir encore perdu inutilement du temps précieux.
Je continue ma route en commençant à accepter que je ne dépasserai pas 30 kilomètres dans la journée et croise un café dans lequel le patron me fait signe de m’arrêter pour un thé.
Après tout pourquoi pas, j’avais besoin d’un petit peu de réconfort psychologique. Je leur demande au passage quand est la prochaine station service, en me préparant déjà psychologiquement à camper par là . On m’annonce quatre kilomètres, c’est plus qu’accessible !
J’arrive à la station, leur explique toujours au cas où que je suis à la recherche d’un camion pour me rapprocher de Bakou et me faire éviter ces conditions insupportables, et je commence dans le même temps à réfléchir à l’emplacement de mon lieu de camps.
Soudain, un habitué s’arrête et vient me parler après s’être entretenu avec les employés de la station. Je finis par comprendre après de longs ergotages qu’il s’agit d’un taxi non officiel, et qu’il me propose de m’emmener avec le vélo à Bakou pour 80 Manats (40€). Après de dures négociations avec le chauffeur et les pompistes (qui semblaient être de mèche avec lui), j’arrive à baisser le prix à 40 manats. Résigné, et surtout séduit à l’idée de passer déjà la soirée à Bakou, j’accepte le marché.
J’ai vendu mon honneur, mais le calvaire est fini. Je vais pouvoir souffler et préparer tranquillement mon trajet sur le ferry.
Pour approfondir le problème du vent à vélo, vous trouverez sur ce premier article une analyse détaillée des effets du vent sur le vélo, et sur celui-ci, des petites techniques pour l’oublier !
Pour pousser le sujet encore plus loin, ne ratez pas cet article !
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