41. Mianeh, l’accueil d’une petite ville iranienne (Mianeh / IRAN)
Arrivé à Mianeh en Iran en fin d’après midi avec 110 kilomètres dans les jambes à vent défavorable, donc fatigué. Mon objectif était clair : Attendre au calme dans un café ou un restaurant que mon hôte du soir sorte du travail pour me récupérer sur place. Il ne devait pas sortir avant 21h, ça me laissait le temps de me reposer. Mais non… en fait je ne vais pas vraiment me reposer, et c’est tant mieux !
Se voir offrir son repas par le restaurateur
Je roule donc sur le trottoir en quête de mon repos bien mérité quand un jeune homme sortant d’un commerce me fait signe de venir. D’habitude je déteste répondre aux sollicitations des commerçants, mais la fatigue semble avoir inhibé mes réflexes de défense. Je m’abandonne. Je laisse mon vélo sur le trottoir en face et je me pose dans sa pizzeria, j’y prends un bon thé, un énorme sandwich et le patron s’installe à ma table et discute avec moi dans un anglais correct. Je découvre dans la conversation qu’il est un ami de Reza, mon hôte de ce soir ! Il refuse bien entendu de me faire payer ma consommation, on est en Iran ou on ne l’est pas ! Il me présente fièrement à tous les clients et amis qui passent dans son restaurant, je suis l’attraction, le moment d’orgueil, le voyageur français qui a choisi son commerce pour se reposer. J’ai du en l’espace de deux heures serrer une bonne quinzaine de mains, partager mon Instagram avec une dizaine de personnes et refuser qu’on m’offre un deuxième repas.
Là, je commence vraiment à comprendre que l’Iran va être un petit paradis pour le vagabond que je suis.
Quand la confiance dépasse la raison
Tandis que je guettais l’arrivée de Reza, un ami du patron m’attend dans sa voiture en face du restaurant pour m’emmener faire un tour de la ville. Je ne peux pas refuser et j’entre dans son véhicule à sa merci sans savoir où on me conduit. Il faut rappeler que mon vélo est sans surveillance avec tous mes bagages dans la rue en face du restaurant et que mon portefeuille et mon sac à dos sont restés à ma table. Je suis absolument nu. Avec le recul, il me semble que c’était absolument inconscient et stupide, mais sur le moment ça me semblait la chose juste à faire. Comme si j’avais besoin de tester ces gens, me prouver qu’il y a encore de l’honnêteté sur cette terre, des gens désintéressés et intègres. Je me laisse conduire dans la ville par ce parfait inconnu qui me montre ses grandes artères et monuments. Mes affaires et ma sécurité s’éloignent de plus en plus mais je ne suis aucunement inquiet. J’ai appris à faire confiance à ces gens, peut être qu’un jour ça va se retourner contre moi, mais pour l’instant je préfère appréhender les rencontres en partant du principe que les gens sont honnêtes et bienveillants. Je suis certain d’y gagner énormément et les chances de pertes sont minimes, le choix est vite fait !
La voiture me ramène à la pizzeria, tout est à sa place, rien n’a bougé. Il y a du monde assis mais ils ont pris soin de laisser ma chaise vacante. Reza est là, il m’attendait. Il me sourit chaleureusement et m’emmène chez lui.
Une famille traditionnelle iranienne
Arrivée chez ses parents. Je fais la connaissance de sa mère, une dame relativement âgée arborant une belle tenue traditionnelle. C’est alors qu’un malaise s’installe : je lui tends la main mais elle ne réagit pas. Ma main droite connaît alors un pathétique moment de solitude pendant 4 secondes, puis va se ranger discrètement dans la poche la plus proche, comme pour se cacher, humiliée et honteuse. J’arbore mon sourire le plus crispé et j’accompagne toute la petite famille à l’intérieur de la maison après avoir pris soin d’enlever mes chaussures. J’ai compris plus tard, après explications de Reza que les femmes musulmanes traditionnelles ne serrent pas la main des hommes. Quand je pense que j’ai hésité à lui faire la bise !
Une piscine publique en Iran
Le sujet du dîner est abordé. Expliquant à mon amphitryon que je me suis déjà gavé la panse chez ses copains de la pizzeria, il suggère que nous allions ensemble barboter dans la piscine municipale de Mianeh, le temps que l’appétit revienne. Magnifique idée ! Rien de mieux pour me détendre les muscles ! Il faut tout de même être préparé psychologiquement lorsque l’on va dans une piscine Iranienne : aucune mixité n’est tolérée, et il faut supporter les regards autoritaires du guide suprême et du président, dont les portraits gigantesques surplombent la piscine olympique. On sent que la déviance n’est ici pas de mise et je commence à comprendre que je ne verrai pas le moindre atome de chair féminine. Mon camarade m’emmène nager dans le grand bain, je constate avec une certaine fierté que je trouve encore la force de nager une bonne demi-heure malgré les 110 kilomètres du jour.
Le jacuzzi iranien
Puis arrive l’épisode du jacuzzi : nous nous approchons d’un petit mais profond bassin circulaire rempli d’une eau quasi bouillante. Mon ami pénètre doucement dans le chaudron, sans brûler les étapes, et se retrouve finalement le corps entièrement immergé. Arrive mon tour. Je fais alors tout un cinéma devant le regard amusé d’hommes immergés dans cette cocotte minute. Constatant le potentiel comique de la scène, j’en rajoute encore plus et me plait à expérimenter l’humour universel. Je trempe un orteil, le retire, surjoue des grimaces de souffrance, et, finalement, entre entièrement dans le bain en voyant l’effet comique s’essouffler. Mon corps me brûle de partout, mais en fait je suis détendu… et fier d’avoir fait marrer des perses avec mes singeries.
Le sauna iranien
Après cinq longues minutes dans cette fournaise, nous sommes encore vivants et prêts pour l’épreuve du sauna. Un moment très intéressant pour l’européen que je suis car je constate en entrant dans la pièce, derrière les vapeurs épaisses et lourdes, des hommes en train de se masser mutuellement, entre amis, naturellement sans ambiguïté ni le moindre malaise. L’homosexualité en Iran est tellement cachée que la question ne se pose même pas, on se masse, c’est agréable et ça fait du bien, on se remercie et on échange les rôle, tout simplement. C’est alors que le moment que je redoutais arrive : mon ami Reza me propose un massage ! Je sais bien que c’est une proposition purement claire et amicale de ça part mais je ne peux vraiment pas là ! Je refuse poliment en prétextant que je suis déjà trop détendu. Sa réaction laisse apparaître un mélange d’incompréhension et de déception. Désolé Reza, je n’y peux rien, on n’efface pas si facilement 35 ans de vie dans un pays occidental décadent !
En sortant de la piscine je tutoyais les sommets du bien être physique. J’étais parfaitement détendu, le corps envahi d’endorphines, j’avais faim et j’étais propre comme jamais, lavé de toutes les toxines possibles, prêt à reprendre la route après une bonne nuit de sommeil.
L’Iran commence à devenir mon nouveau pays préféré !
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