88. Une intoxication alimentaire seul en montagne (KIRGHIZISTAN)
Chuter à vélo peut être impressionnant, mais les conséquences sont généralement surmontables : un peu de scotch sur les sacoches, un coup de pansement sur les genoux, on peut réaffronter la route quelques minutes plus tard. Se relever d’une intoxication alimentaire sur son chemin nécessite bien plus de temps et peut avoir des répercussions capitales sur la suite du périple.
Le calme avant la tempĂŞte
Toutes les conditions sont pourtant réunies pour que ce lieu de camp soit parfait : j’ai trouvé un restaurant assez moderne en bordure de route dans ce qui semble être un village étape pour routiers.
Derrière le restaurant, un flanc de montagne couvert de zones suffisamment plates pour y planter ma tente. Je me pose une centaine de mètres en retrait, à l’abri d’une petite butte.
Un robinet d’eau mis à la disposition des routiers se dresse à quelques mètres du restaurant, accompagné de dizaines de bouteilles en plastiques vides ou remplies d’eau, avec ou sans bouchon. Ici on se lave comme ça et je me sens moins seul dans ma manière de gérer mes problèmes d’hygiène.
Un restaurant, de l’eau, un endroit discret pour camper, tout semble idéal. Demain je vais pouvoir repartir sur la route dans les meilleures conditions.
Toujours se méfier du calme avant la tempête, surtout quand on la sentait arriver.
Un restaurant de route
Je plante ma tente, jouis d’une toilette bien méritée, range mes affaires et me dirige, propre et fringant, vers le restaurant pour apprécier leur wifi, leurs banquettes, leurs prises électriques et leur plat du jour.
Je reste plusieurs heures sur ma banquette en cuir, installé comme un roi, je peux enfin profiter d’une bonne connexion pour rattraper mon retard sur mon blog. Je mange un plat typique que je connaissais déjà pour m’éviter les mauvaises surprises et je m’autorise même une glace en dessert. Je suis repu.
Tout est parfait… trop parfait.
Le repos mérité de la tente
Il est temps de partir se coucher pour affronter une longue et dure journée de montagne demain.
Je paye l’addition et remonte la pente légère qui me mène à ma fidèle tente. Elle m’attendait telle une femme aimante, chaude et confortable, ouvrant ses bras et son cœur pour offrir au guerrier le repos qu’il a su gagner sur le champ de bataille.
J’enfile mon sac de couchage avec la satisfaction d’une journée complète. Tout n’est qu’harmonie.
Le tonnerre commence à gronder sur la montagne et la pluie s’intensifie, ne faisant que renforcer mon sentiment de sécurité et de confort sous ce maigre morceau de tissus me protégeant de toutes les attaques extérieures.
Soit, l’attaque viendra de l’intérieur.
Intoxication alimentaire inattendue
Minuit.
L’orage redouble de force à en faire trembler le sol.
Je me sens bizarre. Je ne dors plus. J’ai peut-être trop mangé. Il ne me semblait pourtant pas avoir fait d’excès… mais je commence à avoir mal au cœur.
J’essaye de respirer l’air frais à grands poumons pour calmer la nausée.
La pluie tombe à grands fracas, donnant l’illusion que les gouttes pourraient percer la toile de la tente. L’envie de vomir se fait de plus en plus forte.
Le vacarme du tonnerre et du déluge me plongent dans un état second aveuglant tous mes repères et noyant mes sens dans une confusion étouffante. Je m’immerge dans l’obscurité d’une nuit blanche dans laquelle tout stimulus extérieur est interprété comme une attaque hostile, un danger potentiel.
Tout tourne autour de moi, tout hurle, mon estomac semble ne plus vouloir faire partie de mon corps et veut s’en extirper tout entier. Mon cœur bat à un rythme effréné et je sue à grosses gouttes. Paye ton intoxication alimentaire !
Vomir, Ă tout prix
Il faut que ça sorte ! Je sors ma tĂŞte de la tente et rampe vers le froid, la pluie et les Ă©clairs. La moitiĂ© de mon corps est Ă l’abri de la tente, l’autre est dĂ©jĂ trempĂ©e, les mains sur les pierres luisantes et la boue, attendant dĂ©sespĂ©rĂ©ment le vomi libĂ©rateur.
Rien ne se passe.
Je retourne sous la tente bredouille, enfile un t-shirt sec et m’efforce de me rendormir. Impossible.
Vingt minutes plus tard je risque une nouvelle sortie infructueuse. Je n’en peux plus, cette nuit de cauchemar n’a déjà que trop duré ! Sortez-moi de cet enfer sans issue !
Je ferais un grand nombre de tentatives jusqu’à obtenir le résultat escompté à cinq heures du matin. Il faisait déjà presque jour.
Je n’imaginais pas que les muscles de l’estomac puissent rejeter avec autant de puissance un aliment non désiré.
Je me suis finalement recouché, épuisé, soulagé mais toujours nauséeux. Que faire demain ? Je me suis donné deux heures pour dormir. La “nuit” porte conseil, parait-il.
Coordonnées GPS de ma tente, au cas où : 41.612831, 72.620403
Pour tout savoir sur les intoxications alimentaires, leurs causes et comment les éviter, allez voir cet article très bien fait : https://www.qare.fr/sante/intoxication-alimentaire/
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