Asie Centrale

82. Ma plus belle expérience de voyage ! (TADJIKISTAN)

Si cet échec à la frontière était sans doute l’une des plus mauvaises surprises de mon périple, la justice divine se rattrapera bien vite, et m’offrira en contrepartie surement mon expérience de voyage la plus inoubliable.

Un coin isolé et privé de touristes

Il me faut d’abord planter un élément important du décor.

Pour deux raisons évidentes, les villages des alentours voient peu ou pas du tout de touristes leur rendre visite.

La première raison est que cette route ne mène nulle part pour tout étranger (frontière locale). La deuxième raison est évidemment que tout voyageur qui se retrouve dans la région n’a aucune raison de s’attarder par ici. S’il a pris la peine d’aller jusqu’à Douchanbé il va évidemment faire la route du Pamir, une autre expérience de voyage.

Je suis donc le seul fou ou le seul imbécile qui s’est aventuré dans le coin depuis bien longtemps… le seul chanceux serait un terme plus exact !

Il faut retourner au village

Frontière bloquée. Je décide donc la mort dans l’âme de faire demi-tour, et tout en roulant vers l’ouest, je pense à une nouvelle stratégie.

Mon idée est de retourner chez la famille qui m’a accueilli pour ce déjeuner improvisé la veille, et leur demander de m’aider à trouver une voiture ou un taxi qui va à Douchanbé. Ce qui va se passer dans ce village dépassera de loin ce que j’aurais pu imaginer. Une expérience de voyage rare, précieuse;

Je roule les 20 kilomètres qui me séparent du village sous un difficile vent contraire, et je jouis déjà d’une première rencontre fort prometteuse : en traversant un premier village, je me fais arrêter par un vieil homme au regard très doux coiffé d’un chapeau traditionnel. Escorté par deux petites filles, il me serre la main, me parle et me donne un sac rempli de bonne choses, des bonbons, du pain, du mouton cuit encore fumant…

Je le remercie chaudement et reprends ma route. Je profite d’une petite pause 5 kilomètres plus loin pour manger mon morceau de mouton sans savoir de quoi sera constituée la suite de ma journée.

Retrouver la bonne maison

Quelques bornes plus tard, me voilà au village de Devona. Je retrouve non sans mal la bonne maison en terre et franchis le portail en bois un peu timidement.

Je ne sais toujours pas ce qui m’attend.

Je pose mon vélo sur le mur de la maison et me présente à tâtons devant l’entrée donnant directement sur la cuisine. Je ne trouve que la maîtresse de maison qui ne parle pas le russe, mais me reconnait et me propose de la suivre dans la pièce où était déjà installée sur le sol une tablée abondamment remplie de sucreries et de bonnes choses que je ne saurais nommer.

Ça commence à sentir bon

J’ôte mes chaussures et j’y vais. C’est la même pièce où j’ai déjeuné hier. Tel Aladin dans la caverne aux merveilles, je m’efforce de ne toucher à rien.

Je patiente un peu dans le doute, sans savoir si je dois sortir ou pas, si elle a bien compris mon problème et si elle a prévenu son mari Ismaïl que j’étais là… de longues minutes d’attentes, nourries par l’inquiétude de ne pas être à ma place, de les déranger en ce jour religieux si important.

Finalement Ismaïl arrive, apparemment déjà au courant de ma présence. Il semble heureux de me revoir et me demande de rester ici pour manger, je lui expose mon problème, nous discutons et je réalise vite que la journée est spéciale et que j’ai tout intérêt à rester un peu pour apprécier la manière dont ils fêtent la fin du Ramadan. 

Le lieu d’immersion idéal

Je rappelle encore une fois que cette route étant à juste titre nullement empruntée par les touristes, ces villageois étaient absolument préservés de la présence des occidentaux et semblaient réellement en voir pour la première fois de leur vie.

Ils étaient encore vierges de toute souillure touristique… jusqu’à moi. Cette défloration, j’ai tenté de la faire le plus délicatement possible, avec le respect immense qu’ils méritaient.

Ce lieu est un temple sacré, un Graal pour tout voyageur en quête d’authenticité et d’exotisme. L’occasion était rêvée pour se plonger en absolue immersion chez des villageois perchés à 2000 mètres dans la montagne tadjike.

Ismaïl me propose donc de rester pour la journée et même pour la nuit, et de repartir le lendemain. J’accepte, me détends et profite de l’instant en laissant aller à moi cette odyssée culturelle, cette expérience de voyage à mille lieux de mes standards européens.

Que l’immersion culinaire commence !

Je reste sagement dans cette pièce en attendant la suite des événements, et vois soudain arriver sept ou huit hommes d’une cinquantaine ou soixantaine d’année. Ils me serrent la main chaleureusement, s’installent autour de la table, dégustent quelques mets et repartent après une vingtaine de minutes.

Puis c’est au tour des amis d’enfance de mon hôte Ismaïl. Sept hommes, tous de 40 ans (la génération 78 du village), entrent avec leur bonne humeur sous le bras et s’installent.

Nous prions ensemble puis commençons à manger. Mais je ne suis qu’au début de mes surprises…

L’estomac rassasié, nous sortons tous dans la rue pour ce que j’imagine être une balade digestive.

En fait, nous venions tout juste de d’entamer le repas ! Je marche avec ce petit groupe dans les ruelles, nous dérobons quelques bonbons aux enfants et faisons la tournée des maisons.

Nous entrons encore dans quatre autres demeures différentes dans lesquelles nous attend sur les tapis un nombre incalculable de sucreries, de douceurs, de fruits et de toutes sortes de bonnes choses. Nous recevons des plats que nous partageons à deux ou à trois avec les doigts.

Je mangerai toute la journée, d’autant plus qu’à chaque repas je penserai naïvement que ce sera le dernier.

Un authentique village traditionnel

Ce village très traditionnel mérite que je m’y attarde. Comment fonctionne-t-il ? Qui sont ses habitants ? Quelles sont ses codes ?

Les enfants et les animaux omniprésents

Tout d’abord, Le village grouille d’enfants et d’animaux. La route qui le traverse est tellement peu empruntée qu’elle est en permanence occupée par des enfants qui y jouent, des vaches qui dorment, de poulets qui traversent, des ânes, des chiens, des chevaux, des chèvres.

Les enfants sont omniprésents, ils sont même plus nombreux que les adultes. En ce jour de l’Aïd, ils sont tous habillés de manière traditionnelle, occupés à demander des bonbons en faisant du porte à porte.

Ils m’ont vite repéré. Même lorsque je marchais avec un groupe de locaux, ils me regardaient comme une bête bizarre, bien conscients que mes traits disgracieux ne correspondaient pas aux standards du village.

Les animaux, eux, font partie du décor. On n’hésite pas à les frapper violemment quand ils gênent le passage ou quand on a envie de se soulager les nerfs, c’est comme ça. C’est toujours mieux que de frapper sa femme… ah, tiens, le statut de la femme, parlons-en !

Les musulmanes traditionnelles d’Asie Centrale

Les femmes, on ne les aperçoit tout simplement presque pas.

Elles sont recluses dans la cuisine et n’en sortent que pour servir leurs bons plats aux hommes assis en tailleur sur le grand tapis de la salle à manger… Quand ce ne sont pas les enfants qui font le service.

Les femmes se cachent par pudeur, se font les plus discrètes possibles par humilité, et se contentent de faire un considérable travail de l’ombre pour satisfaire le bien être de leurs hommes. On en vient à se demander si la grande majorité des habitants n’est pas constituée d’hommes !

En entrant dans chaque maison, leur présence se remarque à peine, on ne peut même pas les remercier pour leur abnégation, et on n’a pas à le faire, ça serait inapproprié.

Comprendre et respecter une culture consiste à l’observer avec un regard neutre éloigné de nos propres références culturelles. Je m’abstiendrai donc de commenter ces traditions, car commenter, c’est juger. Je me contenterai d’observer et de transmettre.

Une minorité Kirghize du Tadjikistan

Les habitants de cette enclave dans la montagne semblent très préservés du reste du pays. J’en veux pour preuve, leur langue.

Contrairement au reste du Tadjikistan ils parlent kirghize, langue turco-mongole de leurs voisins. Ce qui m’a beaucoup perturbé, car j’étais persuadé que le tadjik est une langue Perse (ce qui est vrai).

Fort de mon expérience en Turquie et en Iran, je savais distinguer à peu près les deux racines linguistiques, alors quand j’entendais des mots turcs et des mots perses… sans être linguiste, cela me semblait assez déroutant.

Et j’ai fini par comprendre la cause de cette bizarrerie : ces villages sont peuplés de minorités kirghizes, ils parlaient entre eux les deux langues, bien que le Kirghize reste la langue de prédilection en famille.

Ces populations semblent ethniquement aussi plus proche des kirghizes que des tadjiks, avec des traits plus mongoloïdes. Ils ont clairement les yeux plus bridés que le tadjik lambda, avec la peau assez bronzée, des vrais hommes de la montagne. Il ne faut pas oublier non plus qu’on n’est qu’à 150 kilomètres de la Chine. 

Ce qu’ils connaissent du monde extérieur

Le fait qu’ils soient aussi préservés de l’extérieur est une richesse. Ils gardent leurs traditions et leurs modes de vie, ce qui ne les empêche pas d’avoir la télévision !

Ils connaissent bien le foot, les joueurs et les clubs européens et suivent avec intérêt la coupe du monde qui se joue actuellement. Ils connaissent aussi très bien les acteurs français et m’ont cité sans forcer Jean-Paul Belmondo, Alain Delon ou encore Pierre Richard (vestiges des anciens programmes TV de l’URSS). Je leur ai montré sur internet des photos de Pierre Richard aujourd’hui, ils ont eu un choc ! Il est loin le temps du Grand Blond.

Ces gens sont extrêmement curieux quand il s’agit du monde extérieur et ont tous été pris d’une passion dévorante pour les photos de mon voyage. Ils les faisaient défiler inlassablement sur l’écran en voulant savoir où était pris chaque cliché, souhaitant aussi particulièrement voir des photos de Paris dont ils ne connaissaient guère plus que la tour Eiffel.

Ce petit écran sur mon appareil photo était pour eux comme une grande fenêtre sur le monde, un monde qui leur est si étranger. Leur horizon mental ne s’étend guère au-delà de leur village.

Au détour d’une conversation, j’ai appris que la montagne était occupée par beaucoup d’ours et de loups et que je n’aurais pas dû dormir seul dans ma tente. Trop tard. En tout cas, ceci explique peut-être ma frayeur nocturne de l’avant-veille. 

Conditions de vie précaires

Astuce intéressante dans leur pays, ils ont intelligemment dévié le cours des ruisseaux pour que chaque maison ait accès à cette eau de source.

Bien sûr on ne la buvait pas, car il y avait des vaches en amont qui l’avaient possiblement souillée, mais c’est bien pratique pour se laver les mains.

Ah oui… Il n’y a pas d’eau courante chez eux. On boit l’eau qui sort de la fontaine directement puisée dans les sous sols, on remplit des grands récipients et on les amène à la maison. L’eau du ruisseau ne sert que pour se laver ou faire la vaisselle. Pas de douche ou de salle de bain, ici on se lave rarement le corps. En revanche comme l’exige la religion, on se lave plusieurs fois par jour les pieds, le visage et les mains à l’aide d’une sorte de carafe remplie d’eau chaude.

En parlant d’hygiène, les toilettes sont ce qu’on appelle aux scouts des feuillets. Une petite cabane aux murs en terre séchée avec un trou en son centre creusé entre deux planches, profond de plusieurs mètres, c’est basique mais ça fonctionne. 

Si j’étais désespéré et envahi de doutes ce matin, je suis très heureux ce soir de ne pas avoir pu franchir cette frontière et d’avoir eu cette chance immense de m’immerger parmi ces braves paysans qui m’ont tout offert et m’ont accueilli comme si je faisais partie de leur communauté.

À la fin de la journée tout le monde m’appelait par mon prénom, même des personnes que je ne connaissais pas.

Nous nous sommes couchés, Ismaïl et moi vers 22h dans cette même pièce où nous avons mangé, sur des couches extrêmement confortables posées à même le sol, je ne m’y attendais pas !

Une deuxième journée d’immersion

Couché tôt = levé tôt

Si Ismaïl s’est levé à 5 h pour travailler un peu dans son champ, j’ai osé une grasse matinée jusqu’à 6 h. Le temps de faire un brin de toilette devant la maison, les lits étaient rangés et remplacés par un copieux petit déjeuner comme par enchantement sans que je n’ai pu croiser le regard de la fée du logis qui était la cause de ce miracle étonnant.

Partir ou rester une nuit de plus ?

Pendant le petit déjeuner, une préoccupation me brûlait les lèvres. La France allait jouer ce jour à 15h son premier match de coupe du monde contre l’Australie et je n’avais pas le droit de le rater. J’ai donc expliqué clairement à mon ami que soit je partais maintenant dans l’espoir d’arriver à Douchanbé avant 15h, soit je restais une nuit de plus chez lui et je regardais le match ici, quelque part au village.

J’avoue avoir finement orienté le choix vers la deuxième solution, qui me séduisait beaucoup plus. Cette chance de rester dans un village traditionnel Tadjik ne se présente pas tous les jours.

Il a compris et c’était tranché : je resterai une nuit de plus.

Les réjouissances reprennent

La journée peut commencer. Nous partons de chez lui à 11h et retrouvons sur la route ses copains de la veille. Nous entrons à dix dans un minibus conçu pour sept et nous dirigeons dans la bonne humeur vers un autre village plus en altitude (2500 m) pour rendre visite à des amis.

Dans une maison haut perchée, nous attend une autre tablée toujours plus abondante et gourmande, autour de laquelle de nombreux hommes viennent se joindre à nous. 

Nous sommes environ 25 autour de la table, moi au centre, coiffé d’un chapeau traditionnel kirghize, dans le rôle du pacha, entouré de ces hommes tous plus âgés que moi qui me traitent comme un hôte de marque.

Ils sont aux petits soins, veulent tout me faire goûter sans aucune considération pour l’intégrité physique de mon estomac.

J’ai cette impression étrange d’être un demi-dieu venu rendre visite à ses créatures et j’en éprouve un plaisir un peu coupable. Les hommes me regardent manger, observent mes moindres réactions ou expressions du visage, osent parfois me parler, ils veulent que je m’exprime.

Je pourrais leur dire n’importe quel mot en presque-russe qui ne soit pas trop hors contexte, cela suffirait à les combler de joie et causerait à coup sûr une hilarité générale plus conditionnée par le plaisir d’avoir une interaction avec moi que par la dimension humoristique de mes paroles. Ils ont simplement envie de voir que je me sens bien, que je passe un bon moment en leur présence, comme on passe un bon moment de détente avec ses amis.

Fête musulmane

Le repas est comme toujours précédé d’une prière durant laquelle tout le monde ouvre les mains, dirigées vers le ciel (comme pour le Notre Père catholique) pendant qu’un religieux récite des versets en arabe, puis on se caresse le visage avec les mains pour symboliser le lavement et la purification du visage.

Cette courte cérémonie était prise avec sérieux, mais n’empêchait pas certains de faire des blagues en plein pendant la prière. L’homme qui la récitait, lui-même paraissait faire de l’humour au beau milieu de son oraison, ne manquant pas de remporter un franc succès… 25 hommes des montages qui rient en même temps, ça fait du bruit !

Un match de foot dans les montagnes

Le ventre bien plein… ou plutôt devrais-je dire : bien trop plein, nous partions tous sur le terrain de foot du village pour faire une partie à 25 personnes.

C’était la première fois que je jouais à 2500 mètres d’altitude. Ceci additionné au ventre plein, ça n’était pas facile de se déplacer. Mais après quelques foulées poussives, j’ai pu retrouver un second souffle et faire honneur au drapeau français !

Le jeu de mes coéquipiers et adversaires, lui, était affligeant de nullité ! On aurait dit des enfants de 4 ans qui se contentaient de dégager la balle le plus loin possible de leurs buts dans l’espoir hasardeux de trouver un partenaire à la retombée. Il n’y avait aucune construction de jeu, aucunes passes, il fallait jouer contre ses propres partenaires et leur prendre la balle dans les pieds si l’on voulait avoir la main et tenter quelque chose.

Comprenant vite que mon jeu de passes ne servait à rien, j’ai commencé à jouer comme eux, en perso. Mais évidemment ça n’a pas fonctionné, et c’était vite épuisant, surtout à cette altitude. 

Je n’ai pas été aidé par mes chaussures, qui étaient d’ailleurs tellement glissantes que j’ai fini par jouer pieds nus, devant l’étonnement et même la franche désapprobation de mes amis, qui me faisaient comprendre qu’ils n’étaient pas d’accord du tout et que j’allais m’écorcher les pieds. Ils voulaient même me donner leurs chaussures. C’est mignon, ils se sentaient responsables de moi.

J’ai insisté et j’ai joué pieds nus. Seul va-nus-pieds du terrain, j’ai dû passer pour un sauvage à leurs yeux, une ironie qui m’a, sur le moment, rempli d’une grande satisfaction que j’ai encore du mal à comprendre…

La télé avec les moyens du bord

Les 15h approchant, je fais comprendre à mes amis que la France va commencer sa coupe du monde (nous sommes en 2018) et qu’il est important pour moi de voir ce match.

L’un de mes compères m’emmène chez lui, à la maison où nous avons pris ce fameux repas un peu plus tôt, et explique la situation à son fils d’une dizaine d’années qui se voit brutalement investi d’une mission de la plus haute importance : capter la chaîne et diffuser le match sur une petite télévision d’un autre millénaire posée sur un petit tabouret communiste.

Pas si simple. Le fil de l’antenne devait être disposé au millimètre près pour capter la chaine sportive russe. Le moindre mouvement du fil dessinait instantanément un écran noir qui obligeait un nouveau combat de 2 minutes pour retrouver la bonne position du fil. J’ai tout de même pu regarder mon match et assister à un jeu d’un ennui terrible… Tout ça pour ça !

J’abandonne la télévision pour retourner à mon match grandeur nature avec les villageois. A mon grand étonnement, ils jouent toujours ! En réalité, ils sont tellement nombreux qu’ils sont constamment en train de se relayer. Ils quittent le terrain pour souffler quinze minutes, et y retournent en jouant pour l’équipe adverse.

Le but est clair : se défouler et s’amuser avec ses amis. Gagner importe peu. 

Un dernier repas…

Nous sommes rentrés dans la maison une bonne heure plus tard pour un long et copieux dîner dont je me suis éclipsé pour reposer ma panse et admirer les étoiles, plus nombreuses que jamais.

Le dîner était plus informel, chacun faisait sa vie, sortait fumer s’il en avait envie, certains parlaient dehors, d’autres restaient affalés sur les coussins posés à même le sol, épuisés du foot et de la digestion permanente. On parlait peu. On exploitait le dernier petit espace disponible dans notre estomac pour y enfourner un ultime morceau de mouton ou de gâteau. Un mois de jeune, ça se fête !

Ma plus belle expérience de voyage

Je garderai de ces deux jours un des souvenirs les plus impérissables de ma vie. J’ai été accueilli dans ce village de montagne comme l’un des leurs. Je me suis immédiatement senti faire partie de leur communauté aussi pauvre matériellement que riche intérieurement. L’expérience de voyage culturel ultime.

Même si sa situation géographique rend le village très difficile et long à atteindre, je ne peux m’empêcher de rêver du jour où j’aurai le temps et l’énergie d’y retourner. J’ai encore aujourd’hui des contacts réguliers avec trois de ces villageois, qui entre temps ont découvert WhatsApp !

J’ai immédiatement retenu deux leçons de cette expérience. La première est que l’on peut trouver toujours du positif dans les contrariétés et les problèmes.

Sans ce terrible imprévu à la frontière, je ne serais jamais retourné dans ce village. Certaines difficultés arrivent parfois pour une bonne raison qui nous dépasse, il faut juste être ouvert à ce que le destin nous réserve, et l’aborder avec un œil gourmand et positif.

La deuxième leçon est qu’il ne faut jamais avoir peur de demander de l’aide aux populations locales, bien au contraire ! Ils se font une joie de nous aider, de nous accueillir, de partager leur vie avec nous. Il faut oublier notre éducation occidentale et arrêter de s’imaginer que l’on dérange ces gens.

Je commence à croire qu’ils sont plus dérangés par un voyageur qui roule en regardant devant lui sans même les remarquer, qu’un voyageur qui va s’arrêter et leur parler.

Ici, ils ont le temps de prendre le temps, et le temps est une valeur qui se partage.

>>> ETAPE SUIVANTE : 83. Un taxi pour Douchanbé (TADJIKISTAN)

Charles

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