Plus je me rapproche de Paris, plus les anecdotes semblent difficiles à trouver. La route est de moins en moins exotique, et peu de surprises alimentent mes expériences. Moins d’aventures, moins d’imprévus et de rencontres improbables. Cette aventure se transforme peu à peu en voyage intérieur.
Malheureusement, tout risque de bien se passer jusqu’à Paris, ce qui m’offrira peu de grain à moudre, un vide de matière brute… C’est triste à dire, mais la sécurité n’offre pas la meilleure des inspirations.
Il va peut-être falloir un jour choisir entre le confort et la créativité. Vie bourgeoise ou vie de bohème. Raison ou passion. L’éternelle dualité, complexité des contradictions humaines. Choisir entre la mort dans la sécurité et la vie dans l’incertitude. (fameux dilemme des débats sur le confinement obligé dû au Covid-19).
Si seulement un juste milieu pouvait être possible, il apporterait l’équilibre parfait dont l’être humain a besoin pour survivre. Peut-être, devrais-je me mettre plus en danger pour être davantage dans le ressenti, dans l’instant.
En attendant, je suis encore en Ukraine, qui n’est pas un pays d’enfants de chĹ“ur, il me reste la Pologne Ă traverser, qui peut aussi valoir son pesant d’or, l’Allemagne… qui sans ĂŞtre une championne de l’imprĂ©vu et de la fantaisie peut avoir d’autres choses Ă offrir.Â
Peut-être est-il tout simplement temps de s’aventurer vers des territoires nouveaux, plus intimes. Peut-être est-il temps de tirer des premiers bilans. Que suis-je en train de tirer ce voyage intérieur ?
Je voyage. Je me rapproche de la terre. Je me rapproche de l’essentiel. Je me rapproche de ma place, celle qui m’était dédiée avant même ma naissance, celle qui est inscrite dans mon ADN et celui de mes parents, bien qu’ils l’aient eux-mêmes oublié. Récit d’une retrouvaille…
La route se déroule à peu près sans encombres, toujours le même soleil à ma gauche qui me dessine un bronzage de camionneur, toujours la route, toujours cette pauvreté évidente, et maintenant des arbres fruitiers bordent la route. ‌
Je m’arrĂŞte sous un pommier, je cueille une pomme… et je rĂ©alise que le moment est magique, intense, rĂ©el et pourtant d’une simplicitĂ© rare. Ça n’a l’air de rien comme ça, mais c’est une authentique satisfaction, toute naturelle et simple qui rĂ©vèle l’immensitĂ© cosmique de notre rapport au monde et Ă la nature. Le geste le plus ancestral qui soit. Il est tellement ancrĂ© dans nos gènes que l’on dĂ©guste ce moment comme l’accomplissement d’une mission, une des choses pour lesquelles nous sommes sur terre.Â
ĂŠtre Ă sa place.Â
C’est pourtant simple. Manger le fruit de la terre là où il se trouve apporte une certaine assise, un équilibre et des fondations à notre existence. Il semble que cela enracine notre être sur une terre donnée. Et si c’était juste ça le sens de la vie d’humain, se réenraciner, retrouver ce lien perdu à la terre, à nos ancêtres, manger le fruit de cette terre et appartenir à nouveau à un tout universel qui n’est pas régi par l’avoir, mais par l’être. Se réconcilier avec soi-même en somme.
Je ne suis pas en train de créer une nouvelle secte, il s’agit juste d’une modeste réflexion inspirée par ce mangeage de pomme improvisé.
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