J’aime les hasards, j’aime m’abandonner à la providence et j’aime me perdre. Se perdre c’est potentiellement gagner tellement plus ! Hasards des rencontres comme avec mon ami Matthias et hasards géographiques, comme ce lieu de bivouac inattendu et secret digne du jardin d’Éden que je m’apprête à vous décrire ici. 

Mission : trouver le bon lieu de bivouac

Leipzig est 100 kilomètres derrière moi, le vent m’a encore mis des bâtons dans les roues toute la journée, je suis exténué.

Le moment est venu d’étudier les alentours, trouver le bon lieu de bivouac mêlant discrétion et confort. Je longe des champs moissonnés et j’aperçois à une bonne centaine de mètres un petit îlot de vie et de végétation perdu au milieu d’un champ. Parfait !

Ma première approche sur le bosquet s’avère être un échec, je tombe sur un amoncellement de ronces laissant la place à un large trou d’une dizaine de mètres de profondeur. Je contourne cette première difficulté en prenant l’îlot par un autre versant. La zone est plus dégagée, à l’exception de sympathiques herbes plus hautes que mon vélo. Je passe cette petite barrière naturelle et me voici au cœur d’un improbable amas de buissons, d’herbes, de taillis, de rochers, perdus au milieu de ce lopin de terre cultivée.

Un lieu de bivouac caché, secret et magique

Je plante ma tente à l’abri du fossé qui maintenant me surplombe, et j’explore mon petit territoire privé. Je découvre alors un espace beaucoup plus étendu que je ne l’imaginais.

Une oasis de presque deux hectares ressemblant à un no man’s land agricole, une zone de non droit où la nature est maîtresse absolue des lieux. Une surface triangulaire avec des fossés, des petites buttes, des arbres fruitiers en abondance offrant des baies de sureau, des pommes et des prunes, des hautes herbes et des étranges monticules de pierre qui semblent avoir été créés par l’homme.

Le lieu est aussi magique qu’inquiétant. Je profite des derniers rayons de soleil pour récolter du bois bien sec et me fabriquer un bon feu. Je fais ma toilette pendant que le dîner chauffe, et je me pose enfin au coin du feu. J’admire alors le coucher de soleil colorant de rose les abondantes pommes qui fleurissent sur les branches environnantes. Des pommes que personne n’a jamais cueillies.

Quel sombre secret cache ce paradis perdu ?

Je décide alors d’explorer un peu plus les alentours et faire une récolte de fruits pour la route. J’y découvre des sortes de vestiges de dalles de béton armé qui ressemblent fortement à des morceaux de bunkers allemands.

Un frisson m’envahit alors tout le corps, accompagné d’un très mauvais pressentiment : et si je marchais depuis une heure sur un ancien champ de bataille, expliquant aussi pourquoi le lieu est si anormalement accidenté et vallonné au milieu d’une plaine, et ce que je prenais pour des petits fossés étaient tout simplement des anciens trous d’obus visant le bunker en question.

Pas du tout rassuré, je retourne au campement à petits pas prudents, de peur de marcher sur une vieille mine antipersonnel ou un obus égaré. Ce petit coin de paradis est en réalité un ancien champ de bataille où des gens sont très probablement morts.

Tout semblait vraiment trop parfait, et une impression impalpable m’empêchait de m’en réjouir complètement. Un arrière-goût rance dans cette abondance de sucre et de magie.

Finalement le rêve se transforme en cauchemar. La nuit sera très longue, angoissante. Mon imagination sera ma meilleure ennemie. Elle transformera chaque craquement de branche en la visite maléfique du fantôme d’un soldat allemand tombé en ce lieu. J’en tremble encore.

Coordonnés GPS de ce paradis terrestre pour les curieux : 51.762910, 11.428559

>>> ETAPE SUIVANTE : 118. Enfin un vent favorable à vélo ! (ALLEMAGNE)