Aujourd’hui, nous laissons le bivouac de côté. Nous allons passer deux nuits chez Mohammad à Chubar (un jeune de la communauté Warmshowers d’Iran). Ça sera l’occasion de faire du football avant de quitter l’Iran. L’Azerbaïdjan n’est plus qu’à une trentaine de kilomètres.
Sur la route, la matinée est marquée, comme d’habitude, par les curieux qui viennent nous parler, les camions et voitures qui klaxonnent amicalement dans nos tympans, les animaux écrasés, le soleil, le vent, les paysans courbés dans les rizières, les vendeurs de pastèque, les voix qui hurlent dans notre direction sans que l’on sache s’il s’agit d’un avertissement hostile ou d’un message de bienvenue, les enfants qui pédalent à nos côtés, les gestes de la main en permanence… Ça devient une habitude mais ça a le mérite d’être vivant.
Nous arrivons chez notre hôte Mohammad en fin d’après midi, prenons notre première vraie douche depuis 4 jours, rencontrons ses parents, ses amis, sa maison… cette dernière est peut être la plus charmante de toutes les maisons que j’ai pu voir en Iran. Un joli jardin gorgé de vie, du bois, des tapis, des fleurs partout, rien n’est parfait, pas d’opulence, pas de signe de richesse apparente, mais tout est authentique, rien de ment, tout est à sa place et c’est fait avec goût et harmonie. (Warmshowers est décidément mon petit préféré, désolé Couchsurfing !)
Mohammad et ses amis nous emmènent sur la plage, à 5 minutes à pied de sa maison. Nous serrons une bonne quinzaine de mains et on nous propose de venir jouer au foot sur le sable.
C’est sans doute le plus beau décor que j’ai pu rencontrer pour une partie de foot, à égalité avec l’esplanade des Invalides et Ipanema… Non, en fait c’est encore mieux que ça !
François ne se sent pas l’envie de courir derrière une balle et n’est pas du genre à se forcer, moi je me laisse prendre au jeu malgré les 80 kilomètres de la journée sous une chaleur presque tropicale.
Le terrain, posé directement sur le sable à une cinquantaine de mètres de l’eau est délimité de part et d’autres par de vraies barres de buts en métal. Faisant fi de la fatigue et de mes jambes lourdes, j’entre sur le terrain et salue mes partenaires et adversaires. De sympathiques jeunes de 13 à 25 ans, qui sans être des monstres techniques se défendent très bien balle au pied. Le jeu est assez décousu, et comme à mon habitude, je prends la responsabilité de la défense et de l’attaque en courant comme un chien fou de part et d’autre du terrain sans me ménager.
Résultat : on perd la partie mais, modeste lot de consolation, je marque les deux seuls buts de mon équipe par deux actions chanceuses et sans aucune classe.
Mais puisque le foot semble être une passion pour nos amis du coin, ils nous emmènent assister à des matchs amateurs entre des équipes de football locales d’Iran. Un grand moment !
Que des hommes, par centaines, et surtout leur étonnement de voir des français.
Et comme les bruits courent très vite dans ce genre de petite ville, beaucoup savent déjà qui on est, certains nous saluent sans que l’on sache à qui on sert la main. On croirait être Brad Pitt en visite incognito.
Le plus drôle c’est que François, avec son look assez singulier (Blond, nœud à la barbe, bandana, tatouages…) ne passe clairement pas inaperçu tandis que moi, avec ma barbe de Mollah et mon bronzage d’afghan, je me fonds plutôt bien dans le paysage. Je revois encore la scène, avec François entouré d’une quinzaine d’hommes qui lui parlent, le touchent, ou parfois juste l’observent comme une bête bizarre, silencieusement.
On dirait que ces gens voient un occidental en vrai pour la première fois de leur vie. Certains enfants, particulièrement fascinés par l’apparence peu conventionnelle de François, le regardent sans cligner des yeux plusieurs dizaines de minutes d’affilée en le suivant partout.
Pour la première fois, je pouvais observer tout cela de l’extérieur, être enfin spectateur de ce genre de scène, m’en amuser et m’en délecter.
Si j’avais été artiste, j’aurais nommé ce chapitre “mise en abyme sur œuvre vivante”.
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