Europe

112. Quand on réalise que tout est dans la tête (Cracovie / POLOGNE)

Ce passage est tiré de mon récit écrit à mon arrivée à Cracovie après une journée de route interminable. En cadeau pour vous : un record personnel et une révélation éclairante sur l’influence du mental sur le physique à vélo. Attention, c’est scientifique !

Cracovie en vue et record à la clé

Hier 125 kilomètres, aujourd’hui 130 à dévorer. La route défile vite en ce moment, et Cracovie est à portée de roues. Rien moins que 40.000 coups de pédale me séparent de la capitale des rois de Pologne. Un nouveau record de distance m’attend !

Des conditions de route loin d’être idéales

En revanche, il faut maintenant savoir dans quelles conditions… Eu égard aux deux jours complets de repos qui m’attendent à Cracovie, je ne vais pas me ménager, et heureusement : sans cet espoir de trêve, je n’aurais sans doute jamais été capable d’aller au bout de cette journée d’une rare densité physique.

Trois paramètres capitaux vont conditionner ma route et ajouter un peu de panache à mon record du jour :

  • Le premier, il fait très chaud.
  • Le deuxième, le vent est défavorable.
  • Le troisième, la route borde les premières collines du Nord de la chaîne des Carpates. Il me faut donc affronter toute la journée des successions de côtes et de descentes. De vraies montagnes russes.

Des montagnes russes qui attaquent le mental

Ces conditions, et tout spécialement la troisième, sont épuisantes, car elles cassent perpétuellement le rythme et atteignent profondément la motivation. Plus concrètement, à chaque fois que j’escalade une nouvelle côte, il y a toujours la surprise de ce que qui va se trouver de l’autre côté, en espérant évidemment que la suite soit plus plate et régulière. Ce n’est que rarement le cas. En réalité, une côte laisse place à une autre côte qui a son tour offre un beau panorama sur une nouvelle succession de côtes et de descentes, qui elles même donneront naissance à de belles côtes bien dodues… Usant. J’avance malgré tout en scrutant chaque kilomètre qui passe et ne pense qu’à mon repos salvateur du lendemain. 

Repousser ses limites avec la tête et l’espoir

On se demande parfois où l’on trouve les réserves suffisantes pour avancer encore et encore alors que l’on croit nos limites déjà dépassées.

La réponse, la voici en illustration : Une étude de Harvard menée dans les années 50 par le Dr Curt Richter consistait à tester la durée pendant laquelle des rats pouvaient nager à la surface de l’eau, enfermés dans un petit bocal. Les rats abandonnaient et coulaient en moyenne au bout de 15 minutes. Les chercheurs sauvaient les petits rats de la noyade au moment fatidique, les laissaient se reposer quelques minutes, puis les plongeaient dans l’eau une seconde fois. Devinez combien de temps les rats ont nagé au cours du deuxième essai… 60 heures ! 60 heures de nage sans relâche uniquement motivées par l’espoir ou la foi d’être à nouveau secourus. Ils ont poussé leur corps bien au-delà de leurs limites précédentes.

Les réserves, on les a toujours. Il ne tient qu’à notre tête de les libérer ou pas. Voilà le rôle essentiel du mental à vélo. Aujourd’hui, comme les rats de Harvard, c’est l’espoir qui m’a fait tenir.

>> A LIRE AUSSI : 14. Un raccourcit à oublier (AUTRICHE) – Cyclo Voyageur (Un passage qui montre que l’espoir d’un sommet à gravir peut aussi s’avérer être un excellent repousseur de limites !)

Fatigué mais heureux d’être arrivé

Cet espoir a été généreux envers moi et je suis finalement arrivé à Cracovie vers 16h délesté de beaucoup de plumes, et des jambes qui avaient du mal à soutenir le simple poids de mon corps. J’avais l’impression que mes cannes allaient se briser à chaque pas. Elles étaient vidées de toute substance, mais j’étais soulagé. Epuisé mais heureux d’être arrivé à bon port. Tout allait pour le mieux, j’étais entre de bonnes mains chez des amis polonais. Il y avait de fortes chances qu’une intensive cure de réhydratation à base de vodka fasse partie du menu que l’on me réservait pour ces deux nuits. Ce sera bel et bien le cas.

>>> ETAPE SUIVANTE : 113. Affronter le déluge à vélo (Opole / POLOGNE)

Charles

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