Après la forêt de Russie, c’est par ce chapitre au titre un racoleur que je clos l’épisode russe. C’est ma dernière nuit dans le plus grand pays du monde. Je suis à 10 kilomètres de la frontière, et je décide de poser ma tente dans le jardin d’un motel de route avec l’accord du patron. Je me rends alors compte qu’en Russie les femmes ne savent pas forcément cacher leurs intentions.
Un après-midi de détente s’offre à moi et me tend les bras… un peu trop peut-être.
L’hôtel est composé d’un petit parc parsemé de bicoques en préfabriqué pour les clients de passage, disposées autour d’une bâtisse plus grande en bois dans laquelle se trouvent le restaurant et l’accueil. Lieu stratégique que je vais investir jusqu’à mon coucher. Au bar-restaurant, deux jeunes serveuses d’une vingtaine d’années tiennent la baraque.
Pas beaucoup d’étrangers dans le coin, je suis vite repéré et attire l’attention de ces charmantes personnes. L’une est blonde, d’allure et d’aspect normal. Ni belle ni moche. L’autre, plus jolie, est châtain foncé, le teint hâlé, et le regard ambitieux et volontaire des jeunes femmes qui savent ce qu’elles veulent. Une sorte de confiance offensive toute slave. Son étroite robe noire, stratégiquement choisie de deux tailles trop petite, était bien trop courte en bas et béante en haut. De quoi étaler généreusement au tout venant ce qu’il y a à offrir, sans qu’il ait besoin de consulter son imagination. Elle nous épargne tous ces efforts de créativité pourtant si érotisants. Que l’Iran est loin maintenant !
Après deux bières sirotées en compagnie de mon téléphone, seul à ma table, les serveuses, un peu désoeuvrées, commencent à s’intéresser à mon cas et me posent des questions dans un anglais très faible, mais suffisant pour aller à l’essentiel.
De fil en aiguille j’en viens à leur montrer ma collection de pièces étrangères que je collectionne depuis le début du voyage : euros, forints hongrois, dinars serbes, levs bulgares, livres turques, rials iraniens, manats azéris, tenges kazakhs, sums ouzbeks, somonis tadjiks, soms kirghizes et roubles de Russie, mes femmes sont fascinées. La blonde veut que l’on procède à un échange. Le deal est de m’offrir une pièce russe soi-disant rare contre une pièce de ma collection. J’accepte, prenant cela comme un jeu. Elle est ravie.
Arrive ce moment magique où les deux filles, accoudées à ma table pour admirer une par une les pièces de ma panoplie, se laissent aller. Elles s’affranchissent l’espace d’un instant de cette réserve russe, de cette distance que l’on doit conserver auprès d’un étranger, qui plus est occidental.
Le tableau est le suivant : Je suis assis à ma table, et je me vois alors tel un baron de la drogue trônant derrière son bureau en acajou, affalé sur son large siège en cuir noir, cigare cubain se consumant patiemment sur le cendrier, verre de single malt 20 ans d’âge à la main, des liasses de dollars sur le bureau baignant sur une petite montagne de cocaïne… Et évidemment le harem qui va avec. Elles sont penchées vers mon trésor de guerre, galbées en proue, étalant à mon regard leurs meilleurs argument avec une largesse indécente. Leurs yeux semblent plus doux, elles ne sont que relâchement. Elles rêvent.
Nous avons réussi, moi et ma collection, à personnifier l’évasion et l’envie d’ailleurs chez ces jeunes ingénues. J’ai bu cet instant rare et fragile tel un nectar, un cadeau de Dieu, et elles ont repris leurs esprits et leur rythme de travail quotidien, non sans m’accorder çà et là quelques regards et sourires complices.
Le temps passe et les clients aussi. Il est temps de retourner se coucher.
Je sors alors par la terrasse du restaurant et tombe sur deux femmes des fins-fonds de la Russie d’une cinquantaine d’années déjà bien imbibées, attablées devant une saturation de plats et d’assiettes à peine consommés. Elles me remarquent et me demandent de les rejoindre en me tendant un verre plein d’un liquide transparent qui n’est manifestement pas de l’eau. Je me laisse tenter, et je m’assieds à leur table, déjà curieux de ce que sera constitué la prochaine heure de mon existence… avec les russes on n’est jamais à court de surprises, surtout quand ils ont bu.
Les deux femmes sont très apprêtées, un peu trop maquillées, bien coiffées, habillées très légèrement… pour ne pas dire ultra vulgairement. Elles me dominent du haut de leur cinquantaine confiante et encore désirable. Elles sont saoules, mais l’assument parfaitement et commandent en hurlant une autre bouteille de vodka pour la partager avec moi. En Russie, les femmes boivent sans honte
Là, je me demande où je suis en train de m’embarquer. La vie est un jeu, mais il y a des jeux dangereux.
Je comprends alors qu’elles fêtent l’anniversaire de l’une des deux. Je me demande si je ne suis pas en train de devenir le cadeau. Je bois, mais reste dans le contrôle absolu. Tout en retenue, mais courtois et souriant. Le temps passe et la deuxième bouteille confère à mes amies une audace nouvelle. Elles parlent et rient de plus en plus fort, n’ont plus peur de défier frontalement mon regard.
L’une d’elle s’enhardit alors brusquement, et, prétextant un excès de chaleur, retire son foulard, dernier garde-fou, ultime rempart couvrant son large décolleté. Le voile tombe à terre, elle gonfle sa poitrine en inspirant profondément et se lève de sa chaise sans me lâcher du regard. Elle s’approche dangereusement telle un prédateur assoiffé de viande fraîche. Moi, dans le rôle du gibier, je reste cloué à ma chaise, tétanisé, prêt à subir le sort qui m’est réservé.
Elle me prend alors dans ses bras et m’embrasse longuement sur la joue tout en parlant en russe à son amie entre deux baisers. Je ris nerveusement et me dis qu’il va bientôt falloir s’échapper de ce traquenard. La femme s’assied, puis repart une deuxième fois à l’assaut cinq minutes plus tard, emportée par un nouvel élan inattendu. Ce dernier baiser se rapproche dangereusement de ma bouche, je commence à entrevoir le plan de ces dames et me sens de plus en plus mal à l’aise. Je leur explique que je dois rentrer me coucher. Elles insistent lourdement. Je dis adieu et je retourne dans ma tente pour un sommeil bien mérité.
Je me suis endormi péniblement avec la crainte d’une visite impromptue. Ces femmes de Russie en auraient été bien capables. Mais la nuit a été calme, malgré un violent orage, et j’ai pu reprendre des forces pour mon entrée en Ukraine.
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