Le camping à vélo, c’est tout un art !
C’est maintenant que démarre la cérémonie bien rodée de recherche de lieu de bivouac. Je marche quelques dizaines de mètres en contrebas de la route pour trouver un endroit discret juste en face d’une petite rivière pour la toilette, parfait.
En revanche pas assez de bois pour faire un feu, et un froid de canard. Je passe donc la soirée à l’abri de la tente à attendre impatiemment le lendemain. Une soirée qui sera le théâtre intérieur d’un grand sentiment de solitude légitime.
Seul, dans ma tente, dans un pays étranger ne parlant pas ma langue, ne pratiquant pas la même religion, et dont la culture est radicalement opposée, avec cette crainte constante de ce qui pourrait se passer, cette anticipation face à ce qu’on ne connaît pas qui génère tant d’angoisses.
Cette peur est aussi très généreusement renforcée par le voile de la tente. Ce rideau de brume qui cache tout ce qui environne ma personne. Ce mur symbolique qui trompe le regard mais ne dupe pas l’instinct de survie. On ne voit rien, on ne distingue pas le potentiel danger mais ça ne veut pas dire qu’il n’existe pas, et malheureusement on le sait. L’imagination fait le reste.
Lors des premiers camping à vélo en solitaire dans des zones reculées de pays en théorie hostile, le corps a des réactions étranges face à chaque information qui viendrait de l’extérieur de cet espace de survie qu’est la tente.
Une branche d’arbre qui subit les lois de la gravité et dont le contact avec la terre provoquerait un craquement froid engendre un réflexe stupide, mais humain, qui consiste à s’imaginer la présence inamicale d’un animal sauvage ou d’un rôdeur. Une bourrasque qui secoue le double toit de la tente se transforme, par la magie de nos chimères humaines, en la présence évidente d’un esprit malfaisant venant hanter ma nuit. La lueur de la lune franchissant le balayage rythmé des arbres pour venir mourir sur le voilage de la tente devient une lampe torche menaçante qui se rapproche de ma zone de sécurité. Le sifflement aigu d’une légère brise se métamorphose par enchantement en une meute de loups à l’approche.
La nature est en mouvement permanent, elle vit, elle s’exprime et elle travaille, mais son expression peut devenir, dans certains contextes inhabituels à l’homme moderne, extrêmement anxiogène et déroutante.
Il y aurait deux solutions pour remédier à cela :
Plus de peur que de mal, finalement. C’est ça le camping à vélo. J’avais tout de même rencontré mon ange gardien pendant la journée, en théorie j’étais tranquille ! En fait, le principal danger de cette nuit aura été le froid. Il ira même jusqu’à geler mes stocks d’eau pendant la nuit !
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