Après cet agréable passage de frontière ukrainienne, les journées se suivent et se ressemblent. Les dernières dizaines de kilomètres de ma journée étaient une longue et lente agonie. Toujours plus chaud (je crois même avoir frôlé l’insolation), toujours plus mal aux fesses et aux mains… j’ai dû changer de position à peu près toutes les minutes pour diminuer temporairement la douleur. Nous sommes en Ukraine, la nuit va tomber, il est temps de trouver un lieu de bivouac.

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Un lieu de bivouac presque parfait

Après une fastidieuse recherche de lieu de camp, soldée de plusieurs échecs, je finis par débusquer un coin qui fera l’affaire. C’est un café en lisière de forêt avec de l’eau, de la nourriture et de l’électricité. Tout semble parfait pour un bivouac à l’exception près que nous sommes encore dans une zone urbaine. La forêt en contrebas ne m’offre pas les conditions qu’il faut pour planter ma tente (trop de moustiques, trop de branches, pas de terrain plat), je pose donc mes quartiers juste derrière le café, en contrebas d’un muret, à même la terre. Je suis totalement visible, même depuis la route, mais je commence à avoir une confiance aveugle en ces peuples.

Ayant laissé ma pudeur se reposer en France, je me lave directement à la fontaine qui borde la chaussée, sous les yeux des passants, ni dégoûtés ni concupiscents, juste curieux. Je suis propre, nourri et fatigué, je peux enfin dormir paisiblement.

Erreur d’appréciation.

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Bivouaquer près d’un groupe d’ukrainiens bourrés

A mesure que l’aiguille de l’horloge se rapproche de minuit, j’entends de plus en plus de bruits dans la rue, puis près du café, puis à quelques mètres de ma tente, puis à côté. Je commence à comprendre que cet emplacement était une très mauvaise idée. Mieux valait les branches et les moustiques ! Paramètre important, l’ukrainien a beau être une personne charmante en temps normal, quand cette personne a bu, l’expression “sans limite” prend tout son sens. Un ukrainien ivre (pléonasme?) est un animal dangereux. Un bivouac en Ukraine doit se faire avec discernement !

Toute la nuit j’ai entendu hurler des hommes, boire et pisser à deux mètres de ma tente sans se préoccuper de ma présence. Dans ce genre de situation, on se sent vulnérable, à la merci du premier petit malin, et le sommeil semble être une forêt obscure à la fois inquiétante et infranchissable.

Vulnérabilité justifiée : à un moment donné, vers deux heures du matin, l’un d’eux trébuche devant ma tente. Je l’entends et le sens tomber lourdement. La terre, en absorbant le choc d’un frissonnement palpable étouffe le bruit de sa chute, pas ses hurlements d’homme bourré. Je l’entends se relever, mais il reste étrangement sur place. Je lui demande fermement de déguerpir par ma seule force de persuasion télépathique… aucun effet apparent, bien au contraire !

Cinq hommes tout aussi éméchés le rejoignent et semblent tous chercher quelque chose. Je commence à comprendre : cet abruti a perdu un objet dans sa chute, et tout le monde est là, éclairant les alentours de ma tente avec leur téléphone en bousculant parfois mon fragile abri. Je suis transparent, cerné par ces hommes qui parlent fort, rient fort, râlent fort, agressé tel un animal traqué par la lumière crue de leurs lampes, sentant les murs de ma maison trembler à leur contact… Je suis pris au piège et je ne sais comment réagir. J’essaie de tousser subtilement pour signaler ma présence, mais à part récolter quelques rires et commentaires ukrainiens, le résultat est nul. Ils finissent heureusement par s’éloigner et achèvent leur délicieuse soirée quelques bières plus tard. 

Moi qui rêvais d’une bonne nuit bien réparatrice… enfin tant pis, il faut avancer.

Pour éviter ce genre de mésaventures en bivouac (en Ukraine ou ailleurs), lisez cet article : 🔦 Le camping sauvage : Doit-on en avoir peur ? – Cyclo Voyageur

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