Toujours avec François. Nous voici à l’entrée de la frontière Azerbaïdjan / Iran. Elle ressemble à une énorme zone de stockage industriel. Le moment est venu de quitter cet Iran si complexe, généreux, ambivalent, riche et beau. Il ne sert à rien de se retourner, il faut avancer en gardant le cap et l’objectif que je me suis fixé : Le ferry pour le Kazakhstan.
Le passage à la frontière est long, on nous fait passer par des portes insoupçonnées qui semblent s’ouvrir spécialement pour nous. Nous sommes parmi les rares personnes à passer de l’Iran à l’Azerbaïdjan, les douaniers ont donc tout le temps de s’occuper de nous. Ils ne vont pas s’en priver !
Certains militaires, en profitant de leur statut, nous arrêtent juste pour nous parler, pour s’occuper, satisfaire leur curiosité. Finalement nous passons les contrôles sans encombres et les douaniers Azéris sont même très sympathiques, jusqu’au moment délicat de l’inspection des autres tampons présents sur le passeport.
Il faut savoir qu’avant de visiter un pays, il peut s’avérer très utile de faire le tour de ses pays visités et s’assurer de ne pas avoir fait de tourisme dans un pays ennemi. Ça peut gâcher les vacances !
Les douaniers tombent bien évidemment sur un tampon couronné d’une belle montagne bien connue de la région sous le nom de mont Ararat. Montagne sacrée pour les arméniens, mais passée sous territoire turc, elle reste un des symboles de la nation arménienne et ils n’hésitent pas à l’intégrer sur leurs tampons en douane.
Les douaniers le reconnaissent et me regardent en minant des airs faussement fâchés. Leurs yeux, trop méchants pour être vrais, me rassurent. Apaisé, je leur explique que ça n’était qu’un voyage d’agrément d’il y a trois ans. Ils finissent par sourire, ça passe. Pétard mouillé. Bienvenue en Azerbaïdjan.
Le bitume est notre première rencontres sur ce territoire azéri que je n’avais pas du tout prévu de traverser.
Quelles surprises nous attendent ? Première chose, il fait chaud. Nous avons un peu plus de 30 kilomètres à avaler avant notre destination du soir : Lankaran.
Après seulement 300 mètres, le regard de François s’arrête net devant une tireuse à bière et ne résiste pas à l’envie de prendre sa première pinte depuis de trop longues semaines.
Je l’accompagne, mais mon côté épicurien bat à plate couture mon côté soiffard : je projette de profiter au maximum de ce moment magique de la première bière en étant bel et bien installé au frais dans un restaurant pour le déjeuner.
Ne l’entendant pas de cette oreille, et n’écoutant que sa soif, François s’arrête sans hésiter et descend deux pintes dans un temps record.
Le plus intéressant étant d’observer son enthousiasme retrouvé après des semaines de sevrage iranien. Il semblait comme affranchi de ses chaînes, libre d’être enfin lui-même, boire jusqu’à pas soif, trinquer avec le tout venant, parler aux demoiselles… retrouver, enfin, sa liberté chérie qu’il est venue prendre par la taille pour ne plus jamais la lâcher dans une danse endiablée, sans bornes et sans entraves qui pourrait le mener sur le toit du monde… ou sous terre.
Liberté de boire ou servitude de l’alcool, à chacun de voir. Il le sait, mais putain qu’est-ce qu’elle lui a manqué cette ivresse ! Il revit ! “Le singe en hiver” a retrouvé sa place. Ça se voit dans son regard, il boit ses bières sans se tempérer, en scrutant les autres occupants du bar, cherchant le regard complice, le regard approbateur du buveur, ce fameux regard rassurant et souvent très sérieux qui dit, en mimant le geste du toast : “Tu n’es plus seul, tu fais partie de cette communauté et je te respecte pour ça. Bois à ma santé et n’en aies pas honte.”
Il n’a pas eu ce regard approbatif tant espéré, simplement des clients amusés, à la limite de la gêne.
On n’est plus en Iran mais en Azerbaïdjan on reste dans un pays musulman. Petite information, la pinte de bière est ici à 50 centimes d’euros, je crois que c’est officiellement l’un des pays où elle est la moins chère. Ce soir promet d’être joyeux !
>>> ETAPE SUIVANTE : 63. De l’alcool, enfin ! (Lankaran / AZERBAIDJAN)
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