Nous foulons du pied le desert du Kazakhstan. Le passage en douane a été long. C’est déjà la fin de l’après midi.
Se profile peu à peu la perspective d’une route de nuit, comme nous l’avions déjà envisagée à demi-mots avec mes compagnons de route, Harry et Thomas.
Premier avantage, nous gagnons du temps, deuxième avantage, la température sera clémente, troisième avantage, le vent dort la nuit. Nous saluons une dernière fois ceux que nous ne pensons pas recroiser sur notre route, et nous partons tous les trois vers le centre-ville avec cinq missions bien précises avant de partir pour de bon dans le désert (par ordre chronologique de réalisation) :
– Tirer ou changer de l’argent local
– Acheter une carte SIM
– Dîner
– Remplir les stocks d’eau
– Acheter des réserves de nourriture
Deux bonnes heures seront nécessaires pour accomplir toutes ces tâches et nous voilà sur la route, au moment où le soleil se couche.
Eu égard au poids de ma monture qui est bien plus lourde que celle de mes amis d’outre-manche (en grande partie due aux 15 litres d’eau que je transporte) ils ont l’élégance de rouler devant moi en se relayant régulièrement.
Ma mission principale est donc de coller au maximum à la roue d’en face. Mais malgré ce privilège, il faut pousser fort pour arriver à suivre ces sujets de la reine. Ils ont tout les deux un sacré entraînement derrière eux, Thomas a déjà plusieurs compétitions d’Iron Man à son actif, et Harry, je ne le présente plus.
Deux machines infernales que rien n’arrête ! Ni le vent, ni le froid, ni la fatigue, ni la nuit… Tiens la nuit, parlons en. Une grande première pour moi, la navigation nocturne. A mesure que nous nous éloignons de la ville, les étoiles dévoilent leur beauté infinie et laissent apparaître une voie lactée d’une rare clarté. C’est hélas difficile de regarder le ciel et de se concentrer en même temps sur la route, chaque tentative me fait perdre le cap, me punissant systématiquement d’un large écart sur le bas côté sablonneux de la route.
Les légendes des nuits fraîches dans le desert sont bel et bien fondées, même au Kazakhstan. La température est très vite descendue sous les dix degrés, nous obligeant tous à mettre une veste malgré la chaleur de l’effort physique.
La route a traversé une sorte de grande dépression large de plusieurs kilomètres dans laquelle nous nous sommes enfoncés à 160 mètres sous le niveau de la mer. Petit problème, si la descente était assez agréable, il a fallu évidemment tout remonter. J’ai tout donné pour suivre la cadence infernale de mes compères, en oubliant par péché d’orgueil que mon vélo était bien plus chargé que le leur. J’ai trop donné.
Au bout de 80 kilomètres, je commençais très sérieusement à ressentir la fatigue et des douleurs encore inconnues dans les jambes. N’étant pas d’humeur à faire cette nuit des expériences scientifiques sur mon corps, j’ai préféré être transparent en leur expliquant que je ne pourrai pas aller beaucoup plus loin et que mon but était désormais de trouver un endroit où poser ma tente, dormir quelques heures et repartir sur de bonnes bases plus modestes. Harry comprenais tout à fait la situation mais il ne pouvait pas s’autoriser une pause, son objectif était d’avoir avalé 160 kilomètres au petit matin.
Résignés et tristes nous avons regardé impuissants nos deux routes se séparer pour la première fois. Oui, je ne le sais pas encore mais je vais le recroiser plusieurs fois.
Partant du principe que c’étaient nos adieux, j’étais d’autant plus triste que cet homme fait partie de ces rares personnes que l’on peut croiser sur la route et qui vous marquent, qui laissent une trace, une empreinte indélébile qui devient une source d’inspiration pour le reste de votre vie. Pour certaines personnes, le respect que l’on peut leur porter se transforme rapidement en un honneur d’avoir croisé leur route, une chance.
Mais je ne restais pas seul, Thomas avait fait le choix de rester avec moi pour un temps indéterminé. Nous avons donc encore roulé 15 kilomètres à allure plus calme, jusqu’à trouver un petit coin de parc dans une toute petite ville entourée de puits de pétrole. (le desert au Kazakhstan, c’est comme ça!) Il était déjà 4h du matin. Thomas a pu poser son hamac entre deux arbres et j’ai simplement dormi sur un banc avec mon sac de couchage.
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